Objet favori
Coffre de campagne ayant appartenu au colonel Nicolas de Castella, bois, métal et toile enduite, début du XIXe siècle.
Ce coffre de campagne d’un officier supérieur au début du XIXe siècle cache sous son aspect ingrat une histoire extraordinaire. Ses dimensions hors normes, son absence de recherche esthétique, ses matériaux simples signalent un objet du quotidien. Il ne coche pas vraiment les cases de "l’artefact remarquable", digne d’être un jour confié à un musée pour émerveiller petits et grands. Ce n’est après tout qu'un coffre! Il appartient à la catégorie de ce que les Romains appelaient les impedimenta, autrement dit les bagages lourds de la troupe en marche (littéralement "dans les pieds").
Il tranche avec les fusils richement décorés et les épées ouvragées qui forment l’immense majorité de nos collections. Autrement dit, sa présence est une anomalie: il aurait dû être abandonné sur le champ de bataille, brûlé comme bois de chauffage, ou encore recyclé pour ses planches et sa toile. C’est en fait sa valeur émotionnelle qui l’a préservé de la destruction: son propriétaire, le fribourgeois Nicolas de Castella, colonel-commandant du 1er Régiment suisse au service de Napoléon, fut blessé au cours de la bataille de Polotzk en 1812, si grièvement qu'il dût être transporté dans ce coffre, sorte de civière improvisée. Et vous, vous tailleriez en morceaux un objet à qui vous devez la vie sauve? Inattendu et poignant, voilà un (imposant) bout de bois qui a une histoire sensible à raconter. C’est aussi l'un des derniers vestiges de cette immense tragédie que fut la retraite de Russie.