Objet favori
        
         Cette cuirasse allemande du milieu du 16e siècle représente, dans son  apparente simplicité, l'aboutissement, l'expression ultime de l'art des  batteurs d'armures. En effet, après les lignes effilées et verticales  des armuriers du Gothique tardif et les rondeurs tarabiscotées des  artisans de la Renaissance, la période est au pragmatisme, à la beauté  utile. La subtile équation, dont les variables poids/protection/mobilité  sont si antagoniques, est, en l'occurrence, sur le point d'être  résolue. Les courbes sont harmonieuses sans être maniérées, la  protection est rassurante sans être oppressante, et la liberté de  mouvements garantit au fantassin une belle amplitude dans sa gestuelle.
Au  cours de ma formation, j'ai eu le privilège de travailler sur de  nombreuses armures de la fin du 14e siècle jusqu'au début du 17e  siècle; plus de deux siècles au cours desquels les trois variables  mentionnées ci-dessus ont, tour à tour, dominé la réflexion des  utilisateurs et des artisans. Ce souci permanent d'efficacité, dont le  but n'était autre pourtant que de survivre à la brutalité du combat  corps-à-corps, ne s'est cependant jamais départi d'une certaine idée de  la beauté.