L'uniforme des gardes suisses au service de France
Cet habit en drap de laine rouge et galons blancs est unique au monde, et a appartenu à un soldat du régiment des Gardes Suisses, troupe d’élite au service de la France, vers 1790-1792. La couleur rouge dominante des uniformes des régiments suisses est une spécificité, qui peut mener à les confondre avec l’ennemi anglais sur le champ de bataille. On distingue également une fleur de lys sur le retroussis de l’habit, tandis que les trois chevrons sur les manches indiquent l’ancienneté du soldat (12 ans).
En savoir plus:
Le service de France est le plus prestigieux et le plus important de tous les services militaires à l’étranger, ainsi que le plus ancien et le plus solide de tous les liens qui ont jamais uni la Suisse aux rois de France. Il s’inscrit dans le cadre de l’alliance franco-suisse, instaurée par la paix perpétuelle de 1516 et renouvelée à plusieurs reprises, notamment pour la dernière fois en 1777, trois ans après l’accession au trône du jeune Louis XVI. Le régiment des Gardes Suisses a quant à lui été créé une première fois en 1567 par Catherine de Médicis et Charles IX, puis établi officiellement et de manière permanente en 1616 par le roi Louis XIII. Appartenant à la maison militaire du roi, les Gardes Suisses sont affectés à la protection directe du souverain et de ses résidences et sont également dépositaires des Sceaux du Roi et des Joyaux de la Couronne française. Cette prestigieuse unité d’infanterie comprend à son apogée près de 2'400 hommes répartis en 12 compagnies de fusiliers et 4 compagnies de grenadiers, et stationnés dans 3 casernes en banlieue de Paris – celle de Rueil-Malmaison est la seule qui existe encore aujourd’hui. Alors que les autres compagnies de Suisses à l’étranger sont en général recrutées par canton, les soldats et les officiers qui composent le régiment des Gardes Suisses peuvent provenir de tous les treize cantons ainsi que des pays alliés de la Confédération, ce qui lui confère un rôle de cohésion important.
Après des décennies de loyaux services, 71 campagnes, 154 batailles et 30 sièges, le régiment des Gardes suisses ne survit pas à la monarchie à laquelle il est attaché et est démantelé en 1792 en raison de la révolution. Le 10 août 1792, les Gardes suisses se retrouvent piégés dans le palais des Tuileries à Paris par des révolutionnaires décidés à abattre définitivement la monarchie. Perçus comme une 5e colonne au cœur d’un Paris menacé d’exécution militaire par le manifeste de Brunswick, tandis que les armées autrichiennes et prussiennes enfoncent les lignes françaises, 900 Gardes livrent un combat désespéré pour Louis XVI qui n'est pas un roi-soldat. Son ordre de reddition, transmis en plein combat, arrive trop tard : dépassés par le nombre, sans possibilité de s’échapper, une partie d’entre eux est massacrée sur place. Le major Karl Josef von Bachmann, originaire de Glaris, est le seul officier suisse jugé : condamné à mort, il est guillotiné le 3 septembre. A la suite de cette tragédie, l’alliance franco-suisse est suspendue et les troupes suisses licenciées rentrent au pays. 389 gardes rescapés reçoivent officiellement de la Diète, en 1817, la médaille commémorative « Treue und Ehre » (Fidélité et Honneur). Les cantons les plus représentés sont alors Fribourg (69 médaillés), Berne (47) et Vaud (42). Un récit de l’épisode du 10 août 1792 par Charles Pfyffer d’Altishofen (qui n’y a pas participé), publié en 1819 et largement diffusé, est à l’origine de l’édification du fameux Lion de Lucerne, inauguré en 1821.
Pour aller plus loin:
- Hausmann, Germain, Suisses au service de France: étude économique et sociologique (1763-1792), Paris, 1980.
- Henry, Philippe, « Gardes suisses », Dictionnaire Historique de la Suisse [En ligne].
- Tornare, Alain-Jacques, « Le 10 août 1792... : Le dernier combat du régiment des Gardes-Suisses », Revue Militaire Suisse, 1992 (127), p. 37-44.
- Tornare, Alain-Jacques, Vaudois et confédérés au service de France 1789-1798, Cabédita, 1998.
Habit de soldat du régiment des Gardes Suisses. Suisse/France. 1790-2.
Largeur des épaules: 41 cm
Hauteur: 108 cm
Tour de taille: 77 cm
Musée militaire vaudois (salle du service à l'étranger)